Le premier moyen de communication entre les deux rives de la 9 fut un bac qu’on installa vers les 1875. Comme il n’y avait pas tellement de voitures ou de personnes à transborder, il devait exister jusqu’à la construction du premier pont, soit cinq ou six années. L’arrivée du premier curé en 1878, qui allait donner une formidable poussée au développement de St-Albert, ce qui devait provoquer la disparition de ce bac et des scènes idylliques de ses lavandières. La légende nous dit en effet que c’est le premier curé, M. Albert Philion, qui a poussé la construction du premier pont au cours de l’hiver 1880-1881. Voici comment il en fait part à Mgr Duhamel dans une lettre du 25 octobre 1880: «Si nous voulons avoir un pont à St-Albert à présent que l’argent est voté, il va me falloir m’en charger en grande partie. Je vais tout à l’heure chez le Reeve (maire) M. Casselman pour en conférer avec lui».
Ce premier pont ne devait pas servir plus de quatre années. Bâti trop près de l’eau, il fut emporté par les glaces en avril 1885: l’eau s’étant élevée cette année-là à dix-huit pieds au-dessus du niveau moyen. Dès le matin de la catastrophe, qui se produisit un dimanche, comme on se rendit bien compte que le fort courant et la glace menaçaient le pont dangereusement, M. le curé dit une messe basse et dépêcha ses hommes sur la rive afin de tenter l’impossible pour éviter le désastre. On fixa au pont des câbles qu’on maintint de la rive, mais rien n’y fit. Tout ce qu’on réussit à faire fut de tirer le pont sur la rive droite lorsque les flots l’eurent arraché de ses assises. On se remit aussitôt à l’œuvre pour construire un deuxième pont, encore de bois, mais sur des piliers plus élevés cette fois. On organisa une quête en vue d’une contribution privée pour hâter la reconstruction.
Dès le 21 avril 1885, on avait recueilli 150$. Le même jour, M. le curé Philion écrivait au gouvernement de l’Ontario afin d’obtenir du secours. Il parlait d’organiser aussi une loterie au bénéfice de cette entreprise. On ne sait pas si ce dernier projet a été mis à exécution. Cependant, la construction du nouveau pont devait être passablement avancée, sinon terminée, lorsque M. Philion fut nommé curé d’Embrun en fin de septembre 1885. Le contrat pour la construction de ce nouveau pont avait été adjugé à MM. Lapointe dit Godard, de Lafrenière, et Faulkner qui tenait magasin sur la petite rue du village, c’est-à-dire celle qui se dirige vers le sud, près de l’endroit où se situe aujourd’hui la fromagerie. M. Faulkner aurait fait faillite à la suite de ce contrat. Le triste sort du premier pont avait servi de rude leçon. Aussi le deuxième fut-il construit de façon à résister aux assauts de la débâcle. Son existence se prolongea pendant une quinzaine d’années.
C’est en 1901 qu’il fut remplacé, cette fois-ci, par un pont de fer. Le jour de la fête du Patronage de la Très Ste-Vierge (27 octobre 1901), à l’issue de la messe paroissiale à St-Albert, le curé Lyonnais a béni, avec les cérémonies prescrites, le nouveau pont de fer construit sur la Rivière Nation. L’ingénieur fut Mr. James Lewis. Mr. Morris Chaever était alors reeve (maire) du township de Cambridge.
En 1928, ce pont fut jugé inadéquat pour les besoins d’une route. Il fut donc remplacé par un autre pont de fer, le 4e pont. Ce dernier fut construit pendant l’été, ce qui rendit encore une fois nécessaire dans l’intervalle l’utilisation d’un bac. (Le responsable du traversier était un monsieur Quenneville.) Ce pont fut inauguré un samedi soir, à la fin d’août 1928. M. le curé Chénier y conduisit le premier, son automobile.
Finalement, à l’été 1982, un nouveau pont, le 5e, toujours à structure d’acier, est mis en chantier. Un pont portatif assure la circulation durant la construction qui est terminée le 1er novembre 1982. Le pont «L.E. Brisson», érigé par les comtés-unis de Prescott-Russell, est réalisé au coût de 1 011 264,25$.
Il faut, par contre, noter que le pont L.E. Brisson, aujourd’hui un élément emblématique de notre communauté, a une histoire intrigante. Il fut construit à une époque où les citoyens exprimaient leur opposition à un pont de fer. Ce pont a alors suscité des débats animés. Les résidents de l’époque refusaient catégoriquement l’idée d’avoir ce type de pont et voulaient plutôt un pont de ciment.
Roger Cayer, St-Albert, 125 ans de vie, 1999, p.13 à 15